Immigration tibétaine au Canada
En 1959, le soulèvement national des Tibétains contre l’occupation chinoise força des milliers d’entre eux à quitter leurs foyers. A la fin des années 60, près de 100 000 Tibétains déplacés avaient fui vers l’Inde et le Népal.
Le gouvernement indien était incapable de fournir de l’aide à tous les réfugiés. En conséquence, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) se chargea de subvenir à leurs besoins quotidiens. En 1966, le HCR commença à discuter de la réinstallation de réfugiés tibétains avec le gouvernement canadien. Il espérait qu’Ottawa pourrait accepter ces réfugiés, beaucoup d’entre eux étant des agriculteurs. L’organisme international essayait aussi de les regrouper pour répondre à leurs besoins spirituels et culturels. Malgré le refus du gouvernement fédéral d’accepter tout programme d’établissement en groupe, James George, haut-commissaire du Canada en Inde, réussit à convaincre les autorités fédérales que le Canada pourrait toutefois accepter un petit nombre de réfugiés tibétains.
Un an plus tard, un comité interministériel représentant cinq ministères fédéraux fut mis sur pied pour étudier le sort des réfugiés tibétains ainsi que leur admission et réinstallation au Canada. En juillet 1970, les autorités canadiennes informèrent le Dalaï Lama qu’Ottawa envisageait la réinstallation de 240 réfugiés tibétains. Durant sa première année d’existence, le Programme des réfugiés tibétains devait coûter environ 794 000$. Dans la division des opérations du ministère Main-d’oeuvre et immigration, c’est la section des services aux immigrants qui était chargée du programme. Par l’intermédiaire des centres de main-d’œuvre du Canada, la section fournissait principalement une «aide à l’adaptation» aux nouveaux arrivants sous forme d’assistance financière, de conseils, d’orientation et d’aide à la recherche d’emploi.
En mars 1971, les premiers réfugiés tibétains arrivèrent au Canada. Les membres de ce petit groupe étaient les premiers réfugiés non européens à être admis dans le pays. A cette époque, il fut demandé au Québec, à l’Ontario, à l’Alberta et à la Colombie-Britannique d’accepter un nombre égal de réfugiés. Dans un premier temps, la Colombie-Britannique refusa le projet, forçant les trois autres provinces à en accepter davantage. Ce premier groupe comptait 228 personnes dont environ 90 pour cent avaient entre 14 et 44 ans.
Les réfugiés tibétains furent répartis dans 11 municipalités de l’Ontario, du Québec, de l’Alberta et du Manitoba. Le gouvernement fédéral déclara que l’acceptation future de réfugiés tibétains dépendrait du succès de l’établissement de ce premier groupe de 228 personnes. Au Québec, les réfugiés purent suivre des cours de langue et des formations professionnelles. Dans les autres provinces, l’aide à ces nouveaux arrivants fut souvent minime voire inexistante pendant leurs premiers mois au Canada. Dans les Prairies, les réfugiés tibétains travaillaient dans des fermes. Des 128 réfugiés qui cherchèrent plus tard des emplois à temps plein, la majorité travaillaient dans les secteurs des services et de l’artisanat.
Selon le Professeur Brian Given de l’Université Carleton à Ottawa, les réfugiés tibétains «…ont particulièrement bien réussi dans le domaine des soins aux personnes, comme le travail dans les hôpitaux ou les maisons pour personnes âgées en raison des valeurs bouddhistes qui prônent la compassion et le respect de la vie».
Dans un premier temps, beaucoup de réfugiés eurent des difficultés à s’adapter à leur nouvel environnement, les fonctionnaires de l’immigration désapprouvant le regroupement des arrivants. Au Canada, ils souffraient souvent du manque de contact avec leur famille en Inde et leur chef spirituel, le Dalaï Lama. Au milieu des années 70, les rapports annuels de Main-d’oeuvre et immigration indiquaient que les 228 réfugiés tibétains «…progressaient bien dans leur nouvel environnement canadien et semblaient heureux de leur installation.» Après cinq ans au Canada, presque tous les adultes tibétains «…avaient des emplois rémunérés et étaient capables de se nourrir, s’habiller et se loger convenablement.» Plusieurs années plus tard, les Canado-tibétains mirent sur pied des organismes communautaires pour préserver leurs traditions culturelles et linguistiques.
En 1981, toutes les communautés tibétaines au Canada avaient déjà créé des associations au sein desquelles elles célèbrent les fêtes traditionnelles, offrant également des cours de langue et de danse pour les enfants. En 1987, les Tibétains vivant au Canada et leurs sympathisants non tibétains fondèrent le Comité Canada-Tibet, devenu depuis une importante organisation non gouvernementale, ayant alors pour objectif de faire connaître les souffrances du peuple tibétain, la culture tibétaine et la souveraineté du Tibet.
Tout au long des années 90 et au début des années 2000, le nombre de nouveaux arrivants tibétains au Canada augmenta de façon significative. Selon le recensement de 2006, la communauté canado-tibétaine comptait plus de 4 250 membres, surtout dans la région de Toronto où se retrouve plus de 75 pour cent de l’ensemble de la communauté. Le 17 octobre 2007 fut créé le Tibetan Canadian Cultural Centre à Etobicoke, Ontario. Il est maintenant ouvert au public et offre divers programmes et services dont des cours de langue tibétaine, d’arts de la scène et de philosophie bouddhiste. Durant cette même période se tinrent entre le Dalaï Lama et le gouvernement canadien des négociations portant sur un deuxième programme de réinstallation destiné à venir en aide aux Tibétains déplacés vivant dans l’Arunachal Pradesh, situé au nord de l’Inde.
L’immigration tibétaine passe souvent inaperçue dans l’histoire de l’immigration canadienne. Bien que la communauté demeure petite – elle totalise actuellement près de 7500 membres – elle a ouvert la voie à d’autres groupes de réfugiés au Canada, démontrant aux autorités fédérales que l’installation dans leur nouveau pays pouvait être réussie. Les deuxième et troisième générations contribuent maintenant à préserver et promouvoir l’identité ethno-culturelle tibétaine au Canada par l’intermédiaire de divers organismes répartis dans tout le pays.
Auteur: Jan Raska, “Tibetan Immigration to Canada,” Canadian Museum of Immigration at Pier 21 Blog, May 10, 2013, http://www.pier21.ca/blog/jan-raska/tibetan-immigration-to-canada.
Edition: Comité Canada Tibet, janvier 2014